Des distributeurs “BUA compatibles” 1/3


tirelire-lapinJe hais les régies et payer des fonctionnaires à compter des piécettes. Toucher de l’argent en tant que service public représente un coût de gestion non négligeable, un ensemble de procédures compliquées et des métiers pour rendre des services à titre onéreux que nous sommes loin de maîtriser.

Donc, à l’exception de quelques remboursements de livres, des inscriptions payantes de personnes extérieures à la communauté universitaire -payées à 90% en ligne par CB via Paybox – et de quelques PEB faits à ces mêmes inscrits extérieurs (le service n’étant pas facturé à notre communauté), nous avons délégué à des sociétés extérieures tous les services “non documentaires” que nous ne pouvions raisonnablement pas, au regard des coûts induits et des budgets publics malthusiens alloués à l’Université d’Angers, rendre gratuitement. Le sujet nous apportant nombre de questions, je poserai en 3 billets l’essentiel concernant nos trois contrats de concession actuels :

  • le dernier venu, un distributeur de snacks, boissons fraîches et boissons chaudes que vous avons voulu le plus “BUA compatible”, éthique et féministe possible ;
  • l’historique contrat de concession “copies et impressions”, permettant de gérer, en 2018, plus de 1 500 000 tirages ;
  • le microscopique et improbable contrat “distributeur de bouchons d’oreille” dont le modèle économique simplissime continue de me ravir, 8 ans après sa mise en place.

Episode 1 : Des distributeurs BUA-compatibles distributeurs_BUA_compatibles 1.1 Prologue

Je ne reviens pas sur une longue quête de complémentarité avec le CROUS  et 8 ans d’efforts pour essayer de ne pas dupliquer dans la BU des services rendus à proximité immédiate. Toujours est-il qu’enquête de public après enquête, entretien  après entretien, visite d’autres bibliothèques par visite, le lien entre #BU-#caféine-#nocturnes-#proximité revenait comme un leitmotiv.

Pourquoi attendre 8 ans, alors, pour mettre un distributeur à la BU ? Parce que j’étais mal à l’aise à l’idée de toucher à un point du règlement intérieur justifié par notre souci de permettre à chacun de travailler dans un environnement propre et de prévention de risque électrique, consistant à interdire :

  • de prendre son repas dans la BU
  • d’utiliser autre chose que des récipients hermétiquement fermés. Nous interdisons en effet sans états d’âme canettes et gobelets ouverts dans la BU. Ils sont  à l’origine de taches sur les moquettes et chauffeuses, d’ordinateurs ou prises HS après noyade, de poubelles débordantes en fin de journée (observation dans de nombreux établissements, devant la BU et dans les facultés voisines).

fontaine_a_eau_BUA Nous nous sommes donc contentés d’offrir à nos usagers, pendant ces années, un distributeur eau froide à 5°, eau chaude à 80°, qui garde l’incontestable mérite d’offrir un service gratuit moyennant un investissement à 1500 € –  après des tribulations nombreuses sur le choix du modèle. Si vous souhaitez mettre en place ce service, notez 4 choses importantes pour votre analyse des besoins :

  1. installation sur le réseau d’eau potable et contrat de maintenance et nettoyage 2 fois par an,
  2. gros débit (pour éviter les files d’attente) et espace de distribution confortable (au moins 35 cm entre la sortie d’eau et le socle),
  3. boutons poussoirs robustes,
  4. système d’évacuation performant +++, une personne sur deux rinçant son mug de la veille à même la fontaine, ce dernier constat s’appuyant sur des dizaines d’observations et la mort par asphyxie par excès d’arrosage d’un papyrus placé à proximité d’une fontaine à l’évacuation insuffisante.

Ekibé, un partenaire inespéré

Après une énième tentative avortée pour réussir à ouvrir l’espace distributeurs du CROUS aux mêmes horaires de la BU, j’ai donc fait au printemps 2018 la tournée des entreprises de distribution, par formulaires contact interposés,  avant d’en trouver une qui était prête à installer son matériel à la BU St Serge malgré les contraintes suivantes :

  • pas de distribution de gobelets DU TOUT pour les boissons chaudes,
  • uniquement des conditionnements fermant hermétiquement dans le distributeur de produits frais,
  • pas de snacks générateurs de miettes +++ (type chips),
  • possibilité de mettre en vente des mugs fermés
  • possibilité de distribuer des produits “à la demande de la BU” et notamment la dernière venue de nos préoccupations, le dépannage en serviettes hygiéniques et tampons, partant du constat que s’il est possible de trouver des préservatifs 24/24 et 7/7 à l’extérieur de toutes les pharmacies, il est encore rare de pouvoir se procurer des protections menstruelles de dépannage un dimanche après midi ou après 20h.

ekibe C’est une société vendéenne, Ekibé, ne travaillant que dans un rayon d’une centaine de kilomètres autour de sa base pour limiter à la fois ses frais et son impact carbone qui a répondu à cette demande un peu atypique, et pris le risque d’y perdre de l’argent… En effet, l’installation d’un ensemble de distributeurs de dernière génération, avec possibilité de paiement par carte bancaire et habillage métallique en harmonie avec les lieux coûte entre 20 000 € et 25 000 € pour 4 machines. Dans un environnement où le CROUS et les facultés voisines avaient déjà une vingtaine de machines installées avec des produits “qui marchent bien”, être un nouveau venu avec une offre restreinte est un pari trop récent pour pouvoir en faire le bilan.

Ekibé, cerise sur le gâteau de notre cahier des charges initial, est la compagnie fille d’une boulangerie artisanale. Le distributeur propose donc des produits, certes sur-emballés, gras et sucrés, de type cookies, moelleux au chocolat, brioches et chaussons aux pommes, faits à partir de produits locaux et issus de filières courtes. La société est aussi attachée à proposer une offre de produits plus sains, bio et équitables :

  • café Malongo grains bio équitable
  • pas de sodas à la BUA mais eaux, smoothies, thés glacés, boissons à l’aloé certes un peu bobos mais qualitatives et “décalées” par rapport à l’offre dominante
  • Yaourt à boire produit par un GAEC local
  • Fruits secs en mélange et non bonbons
  • Feuilles de fruit séchées, barres de céréales, produits sans gluten…

ekibe_produits Bref, une offre qui permet à la BU de ne pas se transformer en “hall de gare”  ou de se banaliser mais au contraire de valoriser sa spécificité et de renforcer une image de marque de qualité.

 

 

 

Estampillé “BUA”

Après avoir creusé la piste d’un mug en silicone repliable à couvercle (qui avait le mauvais goût de se replier plein de café brûlant quand on le couvrait alors qu’il était plein…), Ekibé nous a proposé un modèle de mug fermé en fibre de bambou marqué au logo de la BUA. Une fois 500 exemplaires commandés aux frais du concessionnaire, et livrés, nous avons eu la déconvenue de constater qu’ils bloquaient une fois sur 2 les distributeurs… Les collègues de la BU ont alors accepté le principe d’une contremarque mise et payée dans le distributeur, en échange de laquelle ils remettent à l’accueil le mug de la couleur choisie par l’utilisateur.

Ces mugs sont vendus 3 €, à prix quasiment coûtant et en une semaine de lancement, 60 mugs ont été diffusés.

mugs_bu Le principe de la contremarque avait déjà été choisi pour permettre la mise à disposition de petit matériel de reliure (spirale, carton, couverture plastique) qui n’entrait pas dans le distributeur : nous manquons de recul sur le sujet mais les quelques ventes déjà effectuées ont montré que la demande d’aide à l’usage de la machine venait avec le service d’offre de consommable, pour le meilleur, aux yeux des collègues à l’aise avec l’exercice et aimant “aider à faire tout seul” ou au contraire le moins bon, pour ceux n’aimant pas l’aspect croissant de médiation “technique” de l’accueil dans une bibliothèque offrant des services de copie/impression et une relieuse à spirale électrique.

Nous réfléchissons, après des échanges avec des étudiants, à une “contremarque unique multiproduits” permettant aux utilisateurs d’avoir accès à un choix de quelques produits de papeterie à 1 ou 3 €,  sans nous imposer de régie ni de gestion d’achats : le principe n’a pas encore été testé, mais c’est une piste que nous allons assurément creuser, en fonction de nos capacités de stockage à proximité de l’accueil, de mise en libre service de certains prêts courts, etc… Pourquoi ne pas mettre les produits directement dans le distributeur ? Parce qu’ils viennent en concurrence “d’emplacement” avec des produits plus rentables : c’est en effet la limite de tout contrat de concession, qui doit permettre au concessionnaire de rentrer dans ses frais d’immobilisation de matériel, de payer ses livreurs, ses acheteurs, et de faire vivre une PME…

#PayeTesRègles

tampons

L’offre de serviettes et tampons nous a valu un joli point #PayeTesRègles” à son lancement : en effet, nous n’avions pas du tout réfléchi au juste prix d’une serviette hygiénique à l’unité. Le prix a donc été fixé au moment de la programmation de la machine en allant au plus simple… Vendre 1€ la serviette, là où le produit lui-même coûte dans le commerce plutôt 5 à 10 centimes, au moment même où la pétition sur l’accès gratuit aux serviettes hygiéniques pour les populations les plus précaires recueillait 50 000 signatures en quelques semaines  était pour le moins maladroit ! Le tout en conjonction exacte avec une grosse opération très médiatisée de l’université de Lille qui, moyennant quelques dizaines de milliers d’euros, avait permis de distribuer gratuitement 30 000 kits de protection menstruelle à ses étudiant.es. Bref, un très mauvais plan comm’ pour la BUA, même si nos intentions étaient tout à fait honorables, limitées, pragmatiques et que notre offre était utile et facile à utiliser (même à 1 € les serviettes se vendaient…)

Sur une suggestion maligne de Maud Puaud, j’avais fait une petite campagne d’affichage dans les toilettes des filles situées en face du distributeur disant simplement “Serviettes hygiéniques à l’unité” avec une image de la zone du distributeur. Les serviettes étaient visibles, avec leur prix, à côté d’un préservatif Manix à 0,30 €. Les affichettes ont été immédiatement couvertes de graffitis  #PayeTesRègles, de calculs cumulant le prix des serviettes à l’unité sur un an et notre formulaire contact a reçu en deux jours deux messages de protestation véhéments. Ces éléments nous ont permis :

  • de retravailler immédiatement le sujet avec Ekibé,
  •  de passer le prix de la protection à 0,50 € (pour tenir compte un peu du coût de déconditionnement…)
  •  d’ajouter une offre de tampons à prix de supermarché (1€ la boîte de 5) et
  • de faire évoluer l’affichette des toilettes pour insister sur la dimension dépannage de notre démarche, avec une petite liste de situations de mon cru pour l’illustrer (un pantalon blanc à sauver ? Un plan piscine imprévu ? etc…)

payetesregles_distributeur_tweetUne vingtaine d’entretiens près de la machine avec des jeunes femmes et hommes nous ont montré que le service était connu (redoutable efficacité de la communication ciblée) et que le principe était apprécié, comme le montre l’échange de tweets ci-contre.

Épilogue

Il nous reste plein de choses à faire :

1. Communiquer, à l’échelle UA, non pas sur les distributeurs, qui marchent tout seuls et sont bien souvent vides au matin, mais sur les choix un peu atypiques (pour ne pas dire éthique car cela reste un mode de consommation individualiste et lié à l’emballage individuel de produits chers) que nous avons faits, pour tenir compte de préoccupations environnementales et féministes.

2. Réfléchir à une communication de proximité plus inclusive : nos préjugés sexistes transparaissent dans le fait de ne pas avoir pensé d’emblée à communiquer dans les toilettes hommes, alors que la question est tout à fait pertinente pour les personnes trans ou cis (voir par exemple cette vidéo sur le sujet des “Règles de mecs“).

3. Continuer l’analyse des interactions homme-machine et les améliorer par itérations successives, avec des micro-interventions sur les messages des afficheurs, la signalétique de proximité, les signaux discrets, etc.

4. Adapter l’offre aux besoins. Nous allons faire des observations, des entretiens avec l’aide de stagiaires et d’Ekibé, qui va nous fournir ses tableaux bruts sur les ventes, pour réfléchir à une offre la plus adaptée possible aux besoins des étudiants, tout en tenant compte de ceux de la BU et de l’entreprise, tout en gardant en ligne de mire des considérations en terme de limitation des déchets et de santé publique…

Bref, le type de micro-design UX en quelque sorte 😉 qui est notre manière à nous d’essayer de faire bien avec peu d’argent et beaucoup d’attention !